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La Constitution turque est le texte fondamental qui fixe l’organisation de l’État, le système de gouvernement et les droits et libertés des citoyens. Adoptée par référendum en novembre 1982, elle a été modifiée à plusieurs reprises pour s’adapter aux évolutions politiques et sociales, dont d’importantes réformes en 2010 et 2017.

Aperçu de la Constitution en Turquie
La Constitution en vigueur a été rédigée à la suite du coup d’État militaire du 12 septembre 1980 et approuvée par référendum en novembre 1982. Elle a connu de multiples révisions. Les trois premiers articles – qui consacrent la forme républicaine de l’État, ses caractéristiques fondamentales, la langue officielle, le drapeau, l’hymne national et la capitale – sont intangibles et leur modification ne peut être proposée.
Histoire de la Constitution turque
1921 : la « Loi fondamentale sur l’organisation de l’État »
La première constitution de l’ère républicaine, connue sous le nom de Teşkilat‑ı Esasiye Kanunu (1921), a été adoptée par la Grande Assemblée nationale au sortir de l’Empire ottoman. Texte concis, elle consacrait le principe de la souveraineté nationale.
1924 : consolidation républicaine
Après la proclamation de la République, la Constitution de 1924 a structuré l’État pendant plus de trois décennies. Elle a été profondément remaniée : en 1928, la référence à l’« islam religion d’État » a été supprimée ; les femmes ont obtenu le droit de vote et d’éligibilité au niveau national en 1934 (après le vote municipal en 1930) ; en 1937, le principe de la laïcité a été inscrit parmi les caractéristiques fondamentales de l’État.
1961 : une constitution libérale après 1960
À la suite du coup d’État de 1960, la Constitution de 1961 a été préparée par une Assemblée constituante et acceptée par référendum à une nette majorité. Elle a renforcé l’État de droit : indépendance du pouvoir judiciaire, garanties universitaires et de l’audiovisuel public, droits syndicaux et de grève, et protection renforcée des libertés publiques.
1982 : la Constitution actuelle et ses grandes réformes
Issue du contexte post‑1980, la Constitution de 1982 a été plusieurs fois amendée. Les révisions majeures incluent :
- 2010 : renforcement de certaines garanties judiciaires et réorganisation partielle des hautes juridictions.
- 2017 : passage d’un régime parlementaire à un régime présidentiel, redéfinissant les relations entre l’exécutif et le législatif, ainsi que les modalités d’élection et de responsabilité du Président.
Dans ce cadre, les élections et l’architecture institutionnelle post‑2017 ont été testées lors des élections turques de 2023, notamment lors du second tour 2023 de la présidentielle.
Principes et articles clés
Préambule
Le préambule affirme l’unité indivisible de l’État et de la nation, la suprématie de la volonté nationale, l’État de droit, la séparation des pouvoirs comme coopération fonctionnelle, le respect des droits et libertés fondamentaux, et l’attachement au nationalisme, aux réformes et aux principes du fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk.
Articles 1 à 4 : fondements intangibles
Article 1 :
L’État de Turquie est une République.
Article 2 :
La République de Turquie est un État démocratique, laïc et social régi par l’État de droit, dans le cadre des notions de paix publique, de solidarité nationale et de justice, respectant les droits de l’homme, fidèle au nationalisme d’Atatürk et fondé sur les principes énoncés dans le préambule.
Article 3 :
L’État turc, avec son territoire et sa nation, est une entité indivisible. Sa langue est le turc. Son drapeau est composé d’un croissant et d’une étoile blancs sur fond rouge. Son hymne national est la Marche de l’indépendance. Sa capitale est Ankara.
Article 4 :
La forme républicaine (art. 1), les caractéristiques de la République (art. 2) et les dispositions de l’article 3 ne peuvent être modifiées ni faire l’objet d’une proposition d’amendement.
Pour consulter une traduction intégrale en anglais de la Constitution : constitution_en.pdf.
Évolutions récentes (2025) : vers une nouvelle constitution
À la date de novembre 2025, aucun amendement finalisé n’a été adopté. Le Président Recep Tayyip Erdoğan a toutefois lancé un processus politique en vue de rédiger une nouvelle constitution destinée à remplacer celle de 1982, avec l’appui d’un groupe d’experts en droit. L’objectif déclaré est de doter le pays d’une constitution civile et contemporaine, rompant avec l’héritage du coup d’État de 1980.
Les débats publics portent, entre autres, sur la définition de la citoyenneté comme lien juridique plutôt qu’ethnique, la reconnaissance de la pluralité culturelle (y compris l’identité kurde), les droits des femmes, ainsi que sur les règles d’éligibilité présidentielle après 2028. Politiquement, la majorité gouvernementale ne dispose pas seule du seuil parlementaire requis (360/600) pour adopter des amendements ou soumettre un nouveau texte au référendum sans soutiens plus larges.
Cour constitutionnelle turque

La Cour constitutionnelle est la plus haute instance de contrôle de constitutionnalité. Elle examine la conformité des lois, en forme et en fond, ainsi que des décrets ayant force de loi. Elle peut aussi juger, dans les cas prévus, le Président, le Vice‑président, les membres du gouvernement ou les magistrats des hautes juridictions.
Institutions et forces de sécurité
La Constitution encadre le fonctionnement des institutions républicaines, des collectivités locales et des forces de sécurité. À ce titre, la gendarmerie turque occupe une place particulière dans la sécurité intérieure des zones rurales, aux côtés d’autres composantes de l’appareil d’État.
Comment la Constitution turque peut‑elle être modifiée ?
Les propositions d’amendement doivent être signées par au moins un tiers des députés de la Grande Assemblée nationale (200 sur 600). Le texte est examiné en deux lectures et soumis à des votes secrets. S’il obtient entre 360 et 400 voix, il est soumis à référendum. Avec 400 voix ou plus, il peut être promulgué sans référendum. En‑deçà de 360 voix, l’amendement échoue.
Pour aller plus loin
Pour comprendre le contexte politique des dernières années, consultez les élections turques de 2023 et l’analyse du second tour 2023. Pour une perspective historique et civique, lire aussi notre article sur Mustafa Kemal Atatürk.






