Table des matières
Régnant de 1839 à 1861, le sultan Abdülmecid Ier fut l’un des souverains majeurs de la période tardive de l’Empire ottoman. Son règne, au croisement de la montée des nationalismes et d’un intense dialogue diplomatique avec l’Europe, est surtout marqué par un vaste programme de modernisation connu sous le nom de Tanzimat.
De son avènement à sa disparition, il s’efforça de rationaliser l’administration, de réformer l’armée et les finances, et d’inscrire l’Empire dans l’ordre international européen, tout en affrontant des crises militaires et budgétaires.

Lignée et famille du sultan Abdülmecid Ier
Fils du sultan Mahmud II et de Bezmiâlem Valide Sultan, Abdülmecid Ier s’inscrit dans une lignée remontant à Ertuğrul Gazi. La liste ci‑dessous présente sa lignée agnatique (paternelle) directe :
Sultan Abdülmecid Ier fils de Mahmud II, fils d’Abdülhamid Ier, fils d’Ahmed III, fils de Mehmed IV, fils d’Ibrahim Ier, fils d’Ahmed Ier, fils de Mehmed III, fils de Murad III, fils de Selim II, fils de Soliman le Magnifique, fils de Selim Ier, fils de Bayezid II, fils de Mehmed II le Conquérant, fils de Murad II, fils de Mehmed Ier, fils de Bayezid Ier, fils de Murad Ier, fils d’Orhan Gazi, fils d’Osman, fils d’Ertuğrul Gazi
Le sultan eut de nombreuses épouses et consorts. Parmi les plus connues : Servetseza Kadın (Başkadin), Tirimüjgan Kadın (mère d’Abdülhamid II), Şevkefza Kadın (mère de Murad V), Perestu Kadın (mère adoptive d’Abdülhamid II), Gülcemal Kadın (mère de Mehmed V), Düzdidil Kadın et Verdicenan Kadın. Il eut plusieurs enfants, dont quatre futurs sultans : Murad V, Abdülhamid II, Mehmed V et Mehmed VI.
Les débuts du sultan Abdülmecid Ier
Né le 25 avril 1823 à Istanbul, Abdülmecid reçut une éducation soignée au palais. Francophone et attiré par la littérature et la musique classique, il est souvent considéré comme l’un des premiers sultans ottomans à maîtriser le français.
Prince réformateur à l’image de son père Mahmud II, il accéda au trône le 1er juillet 1839, à l’âge de 16 ans.

Le règne d’Abdülmecid : crises et réformes
La crise égyptienne
À son avènement, l’Empire est en difficulté après la défaite de Nizip (1839) face aux forces de Méhémet Ali d’Égypte, et la flotte ottomane a été livrée à Alexandrie par l’amiral Ahmed Fevzi Pacha. Abdülmecid nomma Hüsrev Mehmed Pacha grand vizir et engagea une diplomatie active avec les puissances européennes.
La Convention de Londres (1840), suivie du traité des Détroits (1841), mit fin au conflit : Méhémet Ali fut confirmé gouverneur héréditaire d’Égypte sous souveraineté ottomane, en échange du retrait de ses forces de Syrie.
La grande famine d’Irlande
Informé de la famine irlandaise (1845–1852), le sultan exprima sa volonté d’aider. Des sources indiquent qu’un don financier fut envoyé et que trois navires ottomans chargés de vivres accostèrent à Drogheda en 1847. Le club local Drogheda United arbore le croissant et l’étoile, souvent interprétés comme un hommage à cet épisode de solidarité.


Réformes internes (Tanzimat)
L’œuvre maîtresse d’Abdülmecid est la mise en œuvre des réformes du Tanzimat, inaugurées par deux rescrits impériaux :
- Le Hatt‑ı Şerif de Gülhane (1839), proclamant l’égalité devant la loi, la garantie de la vie, de l’honneur et des biens, et l’amélioration de la fiscalité et de la conscription.
- Le Hatt‑ı Hümayun (1856), renforçant les droits civils de tous les sujets, y compris les non-musulmans, dans le contexte de l’après‑guerre de Crimée.
Parmi les mesures notables pendant son règne :
- Premiers billets (kaime) ottomans émis à partir de 1840.
- Réorganisation de l’armée et mise en place d’une conscription modernisée (milice et durée de service encadrée).
- Standardisation du drapeau ottoman (1844) et adoption d’un hymne impérial (Mecidiye Marşı).
- Réformes financières et juridiques inspirées des modèles européens ; création de nizamiye (tribunaux civils et pénaux).
- Conseils et institutions : Meclis‑i Vâlâ‑yı Ahkâm‑ı Adliye (Conseil suprême), Meclis‑i Maârif‑i Umûmiye (Conseil général de l’éducation) et ministère de l’Éducation (1857).
- Reconnaissance officielle du millet protestant (1850) et élargissement des libertés de culte.
- Création d’universités et d’instituts modernes, dont le Mekteb‑i Osmanî à Paris (1857).
- Code foncier de 1858 clarifiant la propriété et l’enregistrement des terres.
- Mesures contre l’esclavage et restrictions des marchés aux esclaves.
- Service des non‑musulmans en théorie possible dans l’armée, avec maintien d’options d’exemption contre taxe selon les périodes.
La guerre de Crimée (1853–1856)
Face aux ambitions russes et aux ingérences dans les affaires ottomanes, l’Empire entra en guerre aux côtés du Royaume‑Uni et de la France. Les opérations se concentrèrent dans le Caucase et la mer Noire ; les alliés prirent Sébastopol (1855), tandis que les Russes s’emparaient de Kars.
La guerre s’acheva par le traité de Paris (1856), qui consacra l’intégrité territoriale de l’Empire et la neutralisation de la mer Noire. Pour financer l’effort de guerre, l’Empire contracta son premier emprunt extérieur (1854), inaugurant une ère d’endettement.

Construction du palais de Dolmabahçe
Symbole de la modernisation, le palais de Dolmabahçe fut édifié entre 1843 et 1856. Premier grand palais d’inspiration européenne à Istanbul, son coût est souvent évalué à environ cinq millions de livres ottomanes — un montant parfois estimé à l’équivalent d’environ 35 tonnes d’or à l’époque. En octobre 2025, la valeur de 35 tonnes d’or correspondrait approximativement à 2,59 à 2,69 milliards de dollars américains, selon le cours de l’or en vigueur. Les décors intérieurs, somptueux, comprennent de vastes dorures.
Ce chantier prestigieux, conjugué aux dépenses militaires, pesa lourdement sur le trésor impérial.

La mort du sultan Abdülmecid Ier
Abdülmecid mourut de la tuberculose le 25 juin 1861 à Istanbul, à l’âge de 38 ans. Il fut inhumé à la mosquée Yavuz Selim. Son demi‑frère cadet, le sultan Abdülaziz (fils de Pertevniyal Sultan), lui succéda.
Par son volontarisme réformateur et sa diplomatie, Abdülmecid Ier a laissé l’image d’un souverain charnière qui, malgré de lourdes contraintes, posa des jalons décisifs de la modernisation ottomane.







